SOLIDAIRES FINANCES PUBLIQUES

Une formation spécialisée de réseau s'est tenue le 1er juillet. Malgré l'absence de réelle volonté de la Direction Générale de mettre en place une politique ambitieuse pour améliorer les conditions de travail des agentes et agents et d'un dialogue social dégradé voire inexistant, Solidaires Finances Publiques a décidé de siéger compte tenu de la situation inédite et humainement dramatique dans laquelle la DGFiP se trouve en ce milieu d'année 2025 où on déplore 10 suicides, 7 tentatives de suicides et 1 disparition inquiétante. La FSR qui pour Solidaires Finances Publiques est d'une nécessité absolue, devrait aussi l'être pour la Direction Générale afin d'agir sur les condtions de travail pour lutter contre les RPS, 1er risque à la DGFiP exprimé par les personnels. 

Déclaration liminaire

Madame la Présidente,

Le contexte dans lequel se tient cette Formation Spécialisée est alarmant à plus d’un titre. À l’international, les tensions géopolitiques, les politiques économiques imprévisibles – notamment les fluctuations des droits de douane américaine – et un climat d’instabilité généralisée affectent lourdement l’économie mondiale. Sur le plan national, les choix politiques en matière de dépenses publiques aggravent encore la situation. L’austérité reste la ligne directrice, et ce sont les agent·es publics qui en paient le prix fort, dans leur travail comme dans leur vie personnelle.
Depuis plusieurs semaines, le gouvernement multiplie les annonces qui fragilisent la Fonction Publique. Fin avril, Mme de Montchalin envisageait de supprimer un tiers des opérateurs de l’État. Derrière le discours de simplification, c’est bien une attaque frontale contre les services publics – santé, culture, recherche, environnement – qui est à l’œuvre. Le Président de la République, dans le même élan, n’a pas écarté la suppression du statut des fonctionnaires hospitaliers et territoriaux. Il est évident que le versant État serait ensuite concerné. Nous réaffirmons que le statut protège la population en garantissant un service impartial, équitable et indépendant des intérêts privés.

Dans ce climat déjà dégradé, la désignation d’ALAN comme futur prestataire de la protection sociale complémentaire (PSC) à compter du 1er janvier 2026 a suscité, à juste titre, de vives inquiétudes. Ce choix du ministère d’opter pour une startup de type licorne, obsédée par la rentabilité à court terme, ne peut que renforcer nos doutes. La santé de nos collègues ne peut être soumise aux logiques marchandes. La marchandisation de notre protection sociale est désormais enclenchée et à marche forcée. Solidaires Finances Publiques dénonce avec vigueur ce choix. Toutefois, nous réaffirmons que l’accord négocié avec le Secrétariat général apporte certaines garanties importantes, notamment pour les retraité·es et les ayants-droit, grâce aux mécanismes de solidarité intergénérationnelle. Nous en prenons acte, sans renoncer à notre exigence de transparence et de garanties solides sur le long terme.

Pour en revenir à cette instance, elle se tient dans un contexte humainement très difficile et dans un moment où les effets destructeurs des politiques de gestion du travail ne peuvent plus être tus : 10 suicides, 7 tentatives de suicide et 1 disparition inquiétante depuis le début de l’année. Ces actes ne relèvent pas de trajectoires individuelles isolées, mais sont les manifestations les plus visibles d’un système d’organisation qui, au nom de la rationalisation, intensifie les charges, étouffe les conflits sur le travail réel et dissout les collectifs. Ce que nous observons, ce n’est pas une crise passagère mais le résultat logique d’un modèle où la qualité du travail est sacrifiée à des objectifs chiffrés, où l’on administre sans discuter, où l’on réorganise sans débattre du sens. La prévention ne peut pas rester confinée à une approche hygiéniste ou instrumentale : elle doit interroger les logiques de pouvoir qui structurent le travail. Il ne s’agit donc pas d’un simple enjeu technique ou managérial : il s’agit d’un choix de société. C’est bien d’un affrontement entre deux visions du travail dont il est question ici – celle qui l’envisage comme une variable d’ajustement et celle qui le reconnaît comme une activité humaine, vivante, traversée de conflits et digne d’être pensée à hauteur de celles et ceux qui l’accomplissent. Il ne s’agit donc pas ici d’un simple désaccord sur des outils ou des méthodes. Ce dont il est question, c’est du travail, de ce qu’il fait aux agent·es et de ce que l’on décide d’en faire collectivement. Face à cette réalité, chacun doit assumer ses responsabilités. Nous savons ce que nous défendons. À vous désormais de dire ce que vous choisissez de défendre et à qui vous choisissez de répondre. Solidaires Finances Publiques attend donc beaucoup du groupe de travail de la FSR prévu le 9 juillet sur la question des suicides : il est impératif que des actions concrètes de prévention soient enfin engagées.

Plus récemment encore, un évènement tragique est venu bouleverser notre communauté DGFiP : le jeudi 20 juin, une stagiaire C en formation initiale à l’ENFiP de Noisiel a été violemment agressée par un inconnu, alors qu’elle rentrait à son hébergement accompagnée de deux collègues. Solidaires Finances Publiques exprime tout son soutien à cette collègue, aux autres stagiaires, ainsi qu’à l’ensemble des personnels de l’établissement. Nous saluons la réactivité de l’ENFiP et de la Direction Générale, notamment la mise en place rapide d’une cellule psychologique. Face à cette violence, notre collectif DGFiP est profondément touché.

Solidaires Finances Publiques souhaite tout d’abord rappeler que nous ne parlons plus de PAP, mais bien de PAPRIPACT, conformément à l’article R. 253-23 du Code général de la Fonction publique. Il est important que cette évolution réglementaire soit pleinement intégrée, tant dans les discours que dans les outils.
Concernant l’outil Prev’Action, l’accompagnement à son déploiement a été, dans l’ensemble, correctement assuré. Toutefois, cela ne doit pas occulter la lourdeur des travaux d’initialisation, très chronophages pour les assistants et assistantes de prévention (AP). D’ailleurs, les AP ont-ils été consultés pour remonter leur propre bilan de cette phase d’initialisation ? Il serait pertinent de recueillir leur retour pour améliorer le processus à venir.

Par ailleurs, concernant le bilan des risques professionnels 2024 et son nouvel outil de gestion Prév’action, les représentants et représentantes des personnels de la Formation Spécialisée ne sont toujours pas habilités à y accéder. Cette restriction interroge : quand pourront-ils enfin l’être ? Le ou la secrétaire de la FS, seul·e habilité·e, ne peut ni ne doit se substituer à l’ensemble des représentant·es pour effectuer des consultations individuelles. Nous demandons une clarification rapide sur ce sujet par l’habilitation de l’ensemble des représentants des personnels en FS. De plus, certaines améliorations de l’outil semblent prévues : quelles sont-elles ? Résultent-elles des demandes formulées par les AP ?

Sur les modalités de mise à jour, nous ne sommes pas opposés au principe de campagne, qui peut favoriser une dynamique collective autour de l’élaboration du DUERP et du PAPRIPACT. Toutefois, nous rappelons que l’obligation de mise à jour ne peut dépendre uniquement de ces campagnes. En effet, l’outil Prev’action permet une mise à jour au fil de l’eau ce qui nous semblait être la préconisation initiale. Quoiqu’il en serait, les mises à jour doivent être systématiques en cas de restructuration, de création de service ou d’événement majeur (cyclone, etc.). Or, si une campagne pleine et entière n’a lieu que tous les deux ans, cela pose problème. À quelle fréquence ces campagnes complètes seront-elles réellement organisées ?

Nous insistons également sur la qualité de l’analyse des risques, qui reste trop souvent insuffisante. Selon la circulaire DRT n°6 du 18 avril 2002, les deux piliers du DUERP sont l’identification et l’analyse. Trop de descriptions d’exposition sont encore laconiques, comprises du seul rédacteur. Les AP, faute de temps, valident parfois sans réelle relecture, se contentant de vérifier la présence d’une mesure en face du risque. Si les risques bâtimentaires sont plus simples à traiter, les risques psychosociaux (RPS) nécessitent une analyse approfondie. Sans elle, les mesures de prévention seront inefficaces.
À ce propos, les chiffres mentionnés en page 10 concernant les RPS posent question. Leur fiabilité, la méthode d’analyse employée, ainsi que leur interprétation, méritent éclaircissements. Le cas de l’Isère, avec un taux de 100 %, semble emblématique d’un biais possible. Un effet contre-productif ne peut être exclu si ces chiffres sont mal compris ou surinterprétés.
Nous demandons par ailleurs un bilan global des moyens de prévention mis en œuvre. Ce bilan doit permettre d’identifier les mesures réellement appliquées (premier palier), leur efficacité (réduction ou disparition du risque) et, en cas d’échec, les suites prévues : groupes de travail locaux, nouvelles mesures, retours d’expérience. Combien de retex ont été réalisés dans les directions sur la mise en œuvre des mesures des PAPRIPACT ? Cette transparence est indispensable. Bref il est bien de faire des bilans mais un plan d’actions doit automatiquement en découler pour qu’ils soient utiles.

Autre point et pas des moindres sur les enseignements à en tirer et des actions à mettre en place, les résultats de l’Observatoire interne 2025 viennent d’être rendus publics. Derrière les éléments de communication optimistes mis en avant par la Direction Générale – notamment un taux de participation de 54 % – se cache une tout autre réalité. Si ce taux mérite en effet d’être analysé, c’est bien parce qu’il révèle une volonté forte d’expression des collègues, dans un contexte où les espaces de discussion sur le travail réel se réduisent à peau de chagrin.
Mais les données brutes révèlent, une fois encore, une dégradation des conditions de travail, une perte de sens au travail et de réelles difficultés dans l’exercice des missions. Par ailleurs, nous dénonçons la méthodologie de l’analyse : les résultats amalgament toutes les catégories de personnels et toutes les structures de la DGFiP, empêchant une lecture fine des réalités vécues selon les grades, les affectations et les services. Nous réclamons également des données genrées.

Solidaires Finances Publiques demande que des réponses à la hauteur des enjeux humains, sociaux et professionnels soient enfin apportées. Nous exigeons que la parole des agentes et des agents soit entendue, respectée et surtout suivie d’effets.

Dernier point chaudement d’actualité, les conditions climatiques et les ambiances thermiques dans les bâtiments de la DGFiP. Le décret 2025-482 du 27 mai 2025 relatif à la protection des travailleurs contre les risques liés à la chaleur doit être mis en œuvre rapidement. Nous vous avons alertée sur la situation de la cité administrative de Bordeaux où rien n’est réglé, hier une moyenne de 34 degrés y a été mesurée. Ça n’est pas le seul endroit où les personnels surchauffent à cause des installations inadaptées ou défectueuses. Quelles consignes sont données aux directions afin que le même traitement soit réservé aux personnels en cas de canicule, sans attendre que le Préfet se réveille ? Il en va de votre responsabilité d’agir promptement.

Pour conclure, Solidaires Finances Publiques exige le développement d’une politique nationale de santé, sécurité et conditions de travail à la DGFiP. La situation est suffisamment dramatique pour que l’administration prenne enfin à bras-le-corps ces questions et engage des actions concrètes en regardant les effets de ce qu’elle a mis en place ces dernières années (NRP, restructurations, etc.) et corrige les aspects négatifs. Tous les indicateurs montrent que les RPS prospèrent un peu plus à chaque exercice, qu’attendez-vous pour agir ?

Nous reviendrons plus en détail sur l’ensemble des points à l’ordre du jour lorsque nous le déroulerons.

Merci