A la demande des organisations syndicales, une FSR exceptionnelle s'est tenue le 30 octobre 2025 pour examiner un plan d'actions triennal (2025-2027), intitulé "améliorer les conditions de travail et prévenir les actes suicidaires". Celui-ci a été élaboré par l'administration compte tenu de la gravité de la situation à la DGFiP avec 35 actes suicidaires (18 suicides et 17 tentatives) à déplorer depuis le début d'année 2025.
Liminaire
Monsieur le Président,
Nous ne pouvons commencer cette FSR exceptionnelle sans parler du contexte politique et budgétaire qui va avoir un impact important sur les conditions de travail des collègues de la DGFiP. En effet, une fois encore, le ministère des Finances est mis à contribution et voit le nombre de ses emplois corrigé… à la baisse ! Comme toujours, c’est la DGFiP qui paie le prix le plus fort, avec 558 suppressions d’emplois prévues pour 2026. Des nouvelles suppressions de postes qui se rajoutent aux plus de 30 000 déjà subies ces dernières années. Derrière ces chiffres, ce sont des équipes fragilisées, des services publics affaiblis, des usagers délaissés. Solidaires Finances Publiques dénonce avec force cette politique d’asphyxie.
De ce fait, la charge de travail explose, les conditions de travail se dégradent, le sens du travail s’effrite. Combien de drames faudra-t-il encore ?
Les suicides et tentatives de suicide qui endeuillent la DGFiP en 2025 (35 à la date d’aujourd’hui), les alertes du rapport de la Cour des Comptes, les témoignages de collègues épuisés : tout cela devrait suffire à stopper cette fuite en avant. Mais rien ne semble freiner cette mécanique infernale qui broie les personnels et détruit le service public.
Derrière chaque DUERP, chaque PAPRIPACT, chaque fiche de signalement, chaque mention au Registre santé, sécurité et condition de travail, chaque déclaration d’accidents de service, chaque résultat des Observatoires internes, chaque Tableau de Bord de veille sociale, chaque rapport annuel des médecins de travail, chaque rapport annuel des assistantes sociales, chaque rapport annuel de l’ISST, chaque recours hiérarchique, chaque évocation des représentants des personnels dans les instances nationales ce sont des agents en difficulté, des collectifs épuisés et parfois des drames humains. La situation à la DGFiP aurait dû vous alarmer et surtout vous obliger à revoir les choses en profondeur. Les actes suicidaires ne sont que la partie émergée de l’iceberg d’un environnement de travail dégradé par des années de politique de suppressions de postes, de réformes et restructurations incessantes. La prévention ne peut se limiter à une simple affaire de documentation !
Pour en revenir à l’ODJ de cette FSR, le plan d’actions a la vertu d’une prise de conscience collective que rien ne va plus dans notre administration. Il faut rappeler tout de même que c’est bien l’exposition médiatique qui vous a conduit à agir. Toutefois, ce plan d’actions ne s’attaque pas aux causes réelles du mal être au travail des personnels. En effet, le point le plus important et pourtant le plus faible du plan d’actions est celui relatif aux actions sur le travail et sur son organisation.
Sur le contenu de ce plan, notamment le dispositif des Premiers Secours en Santé Mentale (PSSM), nous réitérons notre opposition à sa mise en place d’autant plus qu’il ne s’inscrit dans aucune articulation avec les politiques existantes en matière de santé au travail. En privilégiant une approche centrée sur la détection et le soutien individuel, il contribue à déplacer le problème hors du champ du travail. La logique sous-jacente est celle d’une individualisation de la prise en charge: on forme des agent·es à repérer la détresse de leurs collègues, à la nommer, à orienter vers un relais médical ou psychologique. La souffrance devient un fait psychologique et non social, un trouble à prendre en charge plutôt qu’un signal d’alerte collectif.
Cette orientation soulève un paradoxe : si elle peut, à court terme, permettre de repérer plus précocement certains risques suicidaires, elle ne garantit en rien que les causes profondes soient traitées. Pire, elle risque de fabriquer une illusion d’action : celle d’une institution qui « agit » pour la santé mentale alors qu’elle évite soigneusement de toucher aux causes structurelles — surcharge de travail, perte de sens au travail, intensification du travail, isolement et délitement des collectifs de travail. Dans le meilleur des cas, on réduira peut-être quelques passages à l’acte ; mais les risques professionnels induits par l’organisation du travail, eux, resteront inchangés.
Cette approche traduit un glissement idéologique majeur : la responsabilité de la souffrance est renvoyée à l’individu, sommé d’être vigilant, bienveillant et résilient, pendant que l’employeur se dégage de son obligation de sécurité et de protection de la santé physique et mentale des agentes et des agents. Cette obligation rend responsable pénalement l’employeur pour faute inexcusable, à défaut de mesures de prévention adéquates. Le discours du «premier secours psychique» devient ainsi le paravent d’un désengagement institutionnel, un outil de communication plus qu’un levier de transformation. Sous couvert de prévention, c’est en réalité une gestion morale des symptômes qui s’installe, au prix d’une invisibilisation des causes politiques et organisationnelles de la dégradation de la santé des agentes et des agents.
A ce sujet, nous n’avons pas reçu de réponse sur la clause de confidentialité incluse dans cette Formation PSSM qui empêche toute évocation auprès de la hiérarchie sous peine de sanction pour manquement déontologique. Celle-ci interdit de fait tout questionnement sur l’organisation du travail à l’origine de cette détresse. Nous demandons une réponse claire sur ce point.
Nous développerons nos remarques lors du débat sur les éléments statistiques, mais les éléments fournis ne répondent pas aux demandes que nous avions formulé lors des deux précédentes réunions.
Solidaires Finances Publiques ne se contentera pas de ces mesures cosmétiques et continuera à dénoncer les conséquences de l’absence d’une réelle politique santé, sécurité et conditions de travail à la DGFiP. Solidaires Finances Publiques réaffirme son engagement pour une transformation structurelle des conditions de travail, une prévention active et ambitieuse des risques psychosociaux et une politique de santé et sécurité au travail fondée sur la transparence, le respect et les besoins réels des agents et agentes.
compte-rendu
Une FSR s’est tenue le 30 octobre 2025, à la demande des organisations syndicales. Deux réunions techniques préalables avaient eu lieu les 9 juillet et 5 septembre, afin de discuter de façon constructive et d’amender le projet de plan 2025-2027 relatif à l’amélioration des conditions de travail et à la prévention des actes suicidaires.
Avec 17 TS et 18 suicides, soit 35 évènements graves, dont 2 survenus dans les locaux de l’administration, la DGFiP ne pouvant plus "faire l’autruche". Elle a enfin entrepris d'agir pour tenter de renforcer la politique de prévention, d’autant que les médias se sont emparés du sujet durant l'été.
Solidaires Finances Publiques reconnait que les causes pouvant mener à passer à l’acte sont multifactorielles. Cependant il est indispensable de se questionner sur l’organisation du travail, afin d’analyser si celle-ci ne consitue pas un des facteurs déclencheurs de ces drames.
Le plan d’actions s'articule autour de 3 axes, 39 actions qui seront activées en 2026 et pour certaines dès cet automne.
Solidaires finances Publiques salue le travail des équipes RH qui ont produit ce plan. Toutefois, un manque majeur demeure : le plan n'intègre pas l'impact des réorganisations de services, ni ne questionne l’outil de travail, notamment informatique, et ignore la disparition de certaines règles de gestion décidée unilatéralement par la DGFiP alors que rien ne l’y contraint.
Les 1ères réponses du DGA ont été pour le moins étonnantes, à l’en croire, ni les restructurations, ni l’organisation du travail, ni les modifications des règles de gestion, n'auraient d'incidence sur les conditions de travail.
Or, l’ensemble de représentants des personnels à la FSR a constaté de manière objective que la politique structurelle de la DGFiP dégrade les conditions de travail des agentes et agents. Quand nous demandons une pause dans les réorganisations, c’est non. Quand nous dénonçons les pressions hiérarchiques, la direction semble nier la responsabilité de l’employeur !
A cela s’ajoutent des réorganisations immobilières, notamment le flex office qui détériore les conditions de travail déjà fragiles des collègues. De même, les règles de gestion modifiées (basées sur le choix au lieu de règles objectives) aggravent l'arbitraire. Et biensûr les bilans, quand ils existent, sont toujours présentés positifs.
Solidaires Finances Publiques a demandé un bilan du NRP, dont la fin est programmée en 2026. Le DGA s'est engagé - un peu facilement- a le réalisé. Mais comme souvent les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent.
Nous rappelons sue l’article L 4121-3 du code du travail impose à l'employeur d'évaluer les risques pour la santé et la sécurité des travailleuses et travailleurs doit obligatoirement être réalisée, celle-ci est obligatoire et primordiale.
Les 4 organisations représentatives ont toutes dressé le même diagnostic de la situation à la DGFiP : cela devrait inquiéter la direction générale. En effet, nous sommes à un point de bascule, il est temps d'arrêter les suppressions d’emplois, la maison DGFiP se délite et en premières lignes les agentes et les agents en souffrance qui payent le prix fort malgré une conscience professionnelle inébranlable. Quand la direction générale défendra-t-elle enfin les personnels devant le gouvernement? Ce qu’il reste de la DGFiP doit être sanctuarisé.
1 - Actualisation des données chiffrées, pour info
Le document fourni fait une actualisation des chiffres pour 2025 : 17 tentatives de suicides et 18 suicides. Parmi les tentatives, une agente a tenté a deux reprises de mettre fin à ses jours.
Solidaires Finances Publiques a demandé qu’au-delà de ces décomptes, des informations supplémentaires soient fournies pour chaque cas : lancement d’une enquête de la FS ou si refus pour quel motif, avoir accès au rapport d’enquête, quelles mesures ont été prises,...
La direction générale nous a appris qu’un nouveau courrier allait être envoyé aux directions locales sur la question des enquêtes, ce courrier sera accompagné d’une fiche réflexe « comment faire une enquête ». Cette fiche sera un pas-à-pas sur le cadre réglementaire, sur le déroulé de la FS exceptionnelle et sur le contenu de l’enquête qui interroge sur le cadre du travail. Ces deux documents seront transmis aux representant·es des personnels à la FSR.
2 - Projet de plan d’actions DGFiP 2025-2027 : améliorer les conditions de vie au travail et prévenir les risques suicidaires, pour avis
Après une interruption de séance, les représentants des personnels ont fait le choix de passer directement au vote, sans reprendre la discussion sur certains éléments du plan. En effet ce plan demeure très en deça de ce qu’il devrait être au regard du contexte de souffrance à la DGFiP.
L’administration a indiqué vouloir sensibiliser tous les agents sur la question en se basant notamment sur la formation « premiers secours en santé mentale » (PSSM), tout en précisant ne pas leur confier de nouvelles responsabilités.
Or, Solidaires Finances Publiques demeure opposé à cette formation comme seule pierre angulaire du plan. Cette centralité donnée à la santé mentale par la DGFIP, toutes les mesures proposées renvoient à des actions individualisantes qui mettent en cause la fragilité supposée des agent·es sans jamais interroger les organisations de travail et leurs effets délétères sur la santé des personnels.
Durant l'instance, Solidaires Finances Publiques a réitéré à plusieurs reprises sa demande d'obtenir une réponse sur la clause de confidentialité incluse dans cette Formation PSSM. Cette clause interdit aux participant·es d'évoquer auprès de la hiérarchie les situations rencontrées, sous peine de sanction pour manquement déontologique. Cette demande est restée sans réponse, il est pourtant capital qu'elle soit clarifiée.
L’ensemble de représentants des personnels à la FSR a donné un avis unanimement défaravoble au plan d’actions présenté.
Solidaires Finances Publiques a expliqué son vote de la sorte : « Les représentant·es de Solidaires Finances Publiques à la FSR constatent la prise en compte de certaines observations exprimées lors de la séance du 5 septembre et des modifications apportées au projet de plan d’actions 2025 – 2027, qui a la vertu d’une prise de conscience collective que rien ne va plus dans notre administration.
Toutefois, ce plan ne s’attaque pas aux causes réelles du mal être au travail des personnels. En effet, le point le plus important est pourtant le plus faible du plan d’actions, celui relatif aux actions sur le travail et sur son organisation.
Les mesures proposées sont pour la plupart indigentes et ne reflètent pas la hauteur des enjeux vécus par les agentes et agents de la DGFiP. Pire elles se reposent sur l’individu alors que nous portons la question prégnante des collectifs de travail qui sont fracturés par des années de réorganisations et restructurations, sans oublier les suppressions d’emplois massives depuis la création de la DGFiP.
C’est pourquoi les représentants de Solidaires Finances Publiques à la FSR restent très critiques notamment sur plusieurs mesures proposées aux différents axes, raison pour laquelle nous exprimons un avis défavorable sur ce plan. »