Ce GT se tient dans un contexte d’austérité budgétaire quelques semaines après les annonces du 1er Ministre d’un plan de 10 milliards d’euros d’économies. Dans cette première vague de réductions et d’annulations de crédits au titre de 2024, Bercy absorbe 1,8 milliard de suppressions, totalisant presque 1/5 du volume global des suppressions.

Ce gouvernement continue sa politique libérale de réduction de la dépense publique, tout en maintenant sa politique du « moins d’impôts », annonçant d’ores et déjà une baisse des impôts de 2 milliards d’euros pour les particuliers.

Solidaires Finances Publiques prône une refonte du système fiscal, pour qu’il soit plus juste, plus stable et moins complexe au service d’une politique de justice fiscale, sociale et environnementale. Ainsi, des mesures de première urgence doivent s’appliquer comme taxer les dividendes, rétablir un véritable impôt sur la fortune progressif dont la base taxable serait constituée des patrimoines immobiliers et financiers, supprimer les niches fiscales coûteuses et inefficaces, remettre plus de progressivité dans l’impôt sur le revenu, rétablir les impôts de production, mettre en place un impôt sur les sociétés (IS) progressif.

Alors que la fraude et l’évasion fiscales sont évaluées entre 80 er 100 milliards d’euros par an, la mission de contrôle fiscal doit être renforcée et disposer de moyens humains, juridiques, techniques importants.

Toutes les réformes de la DGFIP (restructurations, démétropolisation…) et toutes les suppressions d’effectifs impactent la sphère contrôle fiscal et affaiblissent la mission contrôle fiscal.

Aujourd’hui, cette mission qui fût longtemps sanctuarisée devrait à son tour connaître sa réorganisation structurelle et s’adapter comme le précise le Cadre d’Objectifs et de Moyens (COM).

Concernant l’organisation même de la mission, l’année 2018 constitue une année charnière. Sur fond de campagne de dénigrement orchestrée, une politique ultra-libérale a permis le vote de la loi ESSOC et érigé le droit à l’erreur et la relation de confiance comme principes absolus... la mission CF, contrepartie d’un système déclaratif, et les agents et agentes qui la remplissent sont devenus des cibles et les objets d’une défiance absolue. Ce mode de pensée est d’autant plus surprenant que le principe de bonne foi s’appliquait naturellement et ne pouvait être remis en cause que si les personnels en charge de cette mission démontraient le manquement délibéré ou l’intention frauduleuse.

La loi ESSOC s’accompagnait d’un plan de lutte contre la fraude fiscale, en réponse à la médiatisation d’affaires de fraude fiscale et au débat sur l’estimation de la fraude fiscale

Malgré nos demandes réitérées, aucun bilan de ces lois n’a été réalisé et nous ne considérons pas que la fiche, très lacunaire, envoyée l’an dernier, puisse en constituer un.

En mai 2023 Gabriel Attal, alors ministre délégué chargé des comptes publics, présentait un nouveau plan de lutte contre toutes les fraudes...et moins d’un an plus tard, devenu premier ministre, il annonçait de manière tonitruante le succès de son plan et vantait l’excellence des résultats du contrôle fiscal ! Sur l’estimation de la fraude fiscale, il nous faudra encore attendre...

Mais pour Thomas Cazenave, nouveau ministre délégué aux Comptes Publics, le plan de Gabriel Attal est insuffisant et deux angles morts restent à couvrir : la fraude aux aides publiques et le faible taux de recouvrement. Il précise également que le sujet du partage d’informations sera au cœur du nouveau texte, prévu pour cet automne et voulu par Bercy.

Ce GT est l’occasion de revenir sur les prises de paroles des deux ministres, et l’occasion de préciser les intentions de monsieur Cazenave, nous attendons donc de votre part des informations sur les évolutions à venir de cette mission.

Faut-il y voir un lien entre les propos de Thomas Cazenave et le projet Pilotage et Analyse du Contrôle (PILAT), sensé couvrir toute la chaîne du contrôle fiscal de la programmation jusqu’au recouvrement et associer les administrations partenaires qui participent à la lutte contre la fraude ?

Dans la foulée de la loi ESSOC, l’aventure PILAT était annoncée.

Dès sa mise en chantier, ce projet aura connu bien des vicissitudes et autres tribulations : bugs informatiques, applications incompatibles, interdictions de la CNIL…

A bien des égards, même si vous ne le dites pas clairement et même si vous affichez un optimisme à toute épreuve, le sujet PILAT demeure perfectible et incertain, dans le calendrier de déploiement des différents modules mais surtout dans les résultats qu’il produira.

Si la question du coût ne devrait pas, en soi, être un sujet, elle le devient nécessairement au regard des montants colossaux engagés dans ce projet. Nous notons par ailleurs que les budgets annoncés dans la fiche sont bien en-deça de la réalité. En effet, le dernier chiffre, publié par la Dinum, estime à 123,5M€ le coût du projet Pilat. L’explosion de son coût passé de 36M€ d’euros en 2020 à 123.5M€ en 2023 nous interroge. Nous attendons des explications sur les raisons du dépassement de ce budget. Pourquoi recourir a des prestataires privés et ne pas avoir développé l’outil en interne ? Qui sont les prestataires qui développent les différentes briques du projet ? Pourquoi tant de retard dans la livraison des versions ?

Bien au-delà de l’aspect financier, Solidaires Finances Publiques dénonce fermement les suppressions d’emplois engendrés par le développement de cet outil. Suppressions entreprises avant même un quelconque résultat de la mise en place de cet applicatif, et qui seront sans nul doute poursuivies sur ce seul motif. Ces suppressions d’effectifs, négociées par la DGFIP dans le contrat de transformation, signé avec le secrétariat général des Ministères économiques et financiers, la direction interministérielle de la transformation publique et la direction du budget ne sont pas motivées. Elles pèsent, cependant, lourdement sur la mission et génèrent nombre de risques psycho-sociaux pour les agents et les agentes.

Pour l’heure, le projet PILAT ne produit pas les effets escomptés. L’ouverture du portail CF n’est que partiellement réalisée et oblige les agents à sans cesse s’adapter à de nouvelles ergonomies et fonctionnalités avec des temps de formations tout à fait relatifs ! Les informations nécessaires à la réalisation de la mission et promises par la mise en place des nouvelles briques demeurent insuffisantes et partielles. A titre d’exemple en 2023, l’application Galaxie a été déployée. Si sur le papier ce nouvel outil au service de la lutte contre la fraude permet de visualiser les liens existant entre des entités professionnelles et des personnes physiques, dans la pratique l’application fournit moins d’informations que le site privé « Pappers », privilégié par les agents. Pour les collègues il n’y a ni avancées, ni ergonomie satisfaisante.

Par ailleurs, les GT et COSUI protection et sécurité de l’agent mis en place à la suite de l’assassinat de notre collègue ont démontré combien le renseignement interne, et a fortiori externe, étaient difficiles à mobiliser tant les services sont éclatés et les chaînes de travail rompues. Solidaires Finances Publiques réaffirme qu’aucune application ne peut ni pourra remplacer les liens entre les services. Cocher une case dans Alpage est insuffisant.

S’agissant du module de conséquences financières, depuis mars 2024 l’application Alpage-CFIR est déployée dans les Directions nationales, les Directions régionales et départementales, les Directions spécialisées de contrôle fiscal et l’École nationale des finances publiques.

Revenant sur l’expérimentation commencée en 2021, la note du 5 mars 2024 précise que cette nouvelle application répond à plusieurs enjeux pour le contrôle fiscal en termes de fiabilisation des calculs et de mémorisation des informations dans Alpage, et fournit en son annexe 2 un bilan.

Il ressort de ce bilan les résultats suivants :

  • l’expérimentation n’a porté que sur 1 505 dossiers examinés (très infime partie du nombre de dossiers examinés tant en CFE qu’en CSP, cf les chiffres de couverture du tissu fiscal de la DGFiP))
  • le périmètre de l’expérimentation est restreint (hors dossiers d’intégration fiscale)
  • 39% des expérimentateurs ne sont pas bien appropriés l’application Alpage-CFIR
  • 26% ont jugé les calculs effectués peu fiables et 44 % plutôt fiables (au final seuls 30% les jugent totalement fiables!)
  • 28% considèrent le transfert dématérialisé vers MEDOC comme complexe
  • 88% pensent que le système des référents locaux doit être pérennisé

Ces chiffres parlent d’eux-mêmes et démontrent à quel point l’expérimentation n’est guère concluante. Pour autant, la DGFiP généralise cette application et pousse le cynisme à qualifier de positif le bilan de son expérimentation.

Sans surprise, les remontées du terrain sont unanimement négatives et pointent les anomalies et difficultés rencontrées par les utilisateurs:

  • application connectée au réseau, donc dépendante des aléas du réseau et des problèmes d’accès au portail métier
  • les rappels d’IR (revenus distribués par une société non intégrée par exemple) ne sont pas intégrés dans l’application. Il n’y a pas de possibilité de MER de l’IR ni de possibilité d’établir une fiche de résultat intégrant l’ensemble des rappels du dossier
  • en cas de rappels IDL (TF / CFE) ou de DE pour des sociétés non intégrées, l’application gère les rectifications (codes thésaurus) mais pas les conséquences financières ni la mise en recouvrement
  • en cas d’application de la procédure de régularisation (article L62 du LPF que l’on nous encourage à utiliser), l’application gère les régularisations (la Déclaration Complémentaire de Régularisation) mais pas la MER, il n’y a pas de transfert dématérialisé vers Médoc
  • l’application ne gère pas les déficits y compris sur les sociétés non intégrées, et encore moins les déficits reportables en arrière, les carry back….
  • il y a une différence d’un mois pour le calcul des intérêts de retard en TVA (en saisie globale, la date de départ des intérêts de retard est au 01/02)
  • il semblerait enfin que seule la dernière pièce créée soit modifiable au profit d’une historisation des différents CFIR (3924, 2120..). Se pose alors la question, voire la difficulté, des pièces créées le même jour et des modifications nécessaires à effectuer sur l’ensemble des pièces à envoyer.

Quant au périmètre du premier déploiement, il démontre clairement que tous les dossiers ne sont pas concernés. En sont notamment exclus les dossiers d’intégration fiscale, ce qui n’est pas un détail et ce qui démontre par ailleurs que l’applicatif n’est pas abouti malgré le coût et le retard !

Pour l’instant, ancien et nouvel applicatifs doivent co-exister et obligent les agents et agentes à composer avec les méandres d’un applicatif vieillissant et pas mis à jour et un nouvel applicatif non abouti et non fiable ! C’est une totale réussite...en termes de charge mentale pour les agents et agentes et de risques psycho-sociaux!

Les agents et les agentes du CF vont de nouveau se retrouver à bricoler à la main leurs conséquences financières. Seule la nature des bricolages va changer !

Il est d’ailleurs très significatif de constater que votre fiche d’impact occulte totalement la partie conditions de travail pour les personnels (qui pourtant s’expriment dans les DUERP).

En revanche, vous n’hésitez pas à écrire que les tâches matérielles sont allégées et que les outils offerts sont plus performants.

Au-delà d’un optimisme effréné, Solidaires Finances Publiques dénonce une nouvelle fois le mépris clairement affiché dont sont victimes les agents et les agentes.

Pour Solidaires Finances Publiques, la formation spécialisée de réseau (FSR) doit s’emparer du sujet.

En réponse à l’énoncé de toutes ces difficultés, vous nous répondrez certainement qu’elles s’aplaniront au fil du temps.

Mais pour l’heure, elles sont avérées et viennent s’ajouter aux précédentes difficultés liées à un CFIR en quête de mises à jour et autres applicatifs obsolètes.

Enfin, lors de la première présentation de PILAT, Solidaires Finances Publiques avait dénoncé un applicatif très structurant et contraignant pour les agents et agentes. La partie pilotage s’apparente davantage à un flicage en bonne et due forme et rejoint sur ce point l’applicatif Rialto Memo. Ce dernier n’a toujours pas démontré son intérêt. La question de la défiance envers les personnels et la mission CF demeure prégnante.

Enfin, s’agissant de la plus-value attendue en matière de recouvrement, Solidaires Finances Publiques attend de ce GT des réponses claires et précises. La fluidité promise entre les services de contrôle et du recouvrement ne pourra à elle seule résoudre les difficultés. Si sur le papier, PILAT va permettre le lien entre les services, il ne s’agit que d’un lien virtuel qui ne saurait remplacer le lien humain entre les agents et agentes de la chaîne de contrôle fiscal pourtant essentiel à la bonne réalisation de nos missions.

Quant à identifier un risque recouvrement dès la programmation, nous demeurons plus que circonspects et rappelons que toute action de recouvrement ne doit en aucun cas placer le vérificateur dans une situation délicate, voire dangereuse pour lui.

En conclusion, et malgré les nombreuses questions qu’il nous reste à vous poser, notamment sur certains applicatifs, Solidaires Finances Publiques dénonce un projet coûteux et non abouti. Pour l’heure, PILAT est loin de répondre à vos attentes de modernisation, de dématérialisation, de sécurisation et de pilotage. Loin de répondre aux attentes des agents et des agentes, PILAT leur complique la mission au quotidien, se révèle chronophage et ne les sécurise aucunement. Depuis plus de cinq ans maintenant, PILAT tient la mission CF en haleine...et aujourd’hui l’application présentée se conjugue au futur. Un futur sans calendrier.

Au final, les documents transmis posent plus de questions qu’ils n’apportent de réponses.