À l’heure où le pays succombe aux charmes de la pause estivale, le gouvernement a dévoilé les premiers jalons de son projet de budget pour 2026. La plupart des pistes ne constitue pas une surprise totale, même s’il y a des choses moins attendues comme l’aventure des deux jours fériés (chiffon rouge ? écran de fumée?). Mais la litote « rarement surpris, toujours déçus » risque fort encore de trouver à s’employer…
Ce que l’on peut dire, c’est que ça tape fort et tout azimut.
Sur la première caractéristique, même s’il y a un maintien global des crédits en dotation, il y aura quand même des purges conséquentes, notamment s’agissant des dépenses d’intervention. Il convient de rappeler ici combien ces dernières peuvent être structurantes, en termes de transformation. On peut notamment nourrir des craintes pour les aspects environnementaux.
S’agissant de la deuxième, elle est à la fois vraie (il y en a à peu près pour tous les goûts…) et fausse. En effet, ce sont toujours les mêmes publics qui sont visés : action publique, revenus du travail, salarié.es, retraité.es… Visiblement, le grand débat concernant la façon d’assumer la charge publique n’est pas pour demain. Et ce sont toujours un peu les mêmes recettes – dans les sens financier et culinaire - que l’on retrouve malheureusement, budget après budget…
L’idée (gouvernementale) serait de faire face à l’angoisse de la dette, tout en protégeant la croissance et l’activité, d’où les choix évoqués plus haut. Euh… franchement pas sûr que le pari soit gagnant. En effet, les premiers signes d’un ralentissement économique semblent assez manifestes. Si on ajoute l’incertitude commerciale mondiale sous la férule de l’agité (voire « secoué »...) de la Maison Blanche, plus un budget « coup de frein » cela peut faire un cocktail détonant. Une étude récente de l’OFCE pointe d’ailleurs un risque de hausse significative du chômage. Signalons au passage que ce même observatoire (sûrement un nid de gauchistes…) rappelle également que la dérive du déficit est essentiellement due à un fort recul des recettes (exonérations et allègements divers), bien plus qu’à un accroissement des crédits publics. C’est notamment vrai pour les services de l’État, plutôt dans le genre « stable ».
Pourtant, l’État est encore ravalé au rang des victimes expiatoires de la situation budgétaire, avec notamment le non-remplacement d’un départ à la retraite sur trois. Comme recette éculée, cela se pose un peu là : on nous fait déjà fait le coup lors du mandat d’un président devenu par la suite amateur de bijoux (judiciaires) de cheville. Du temps de Nicolas (paie-t-il celui-là ?!?), c’était du 1 sur 2. Assez rapidement, la mesure avait été jugée exécrable. Même pour les libéraux car elle était purement comptable et mathématique. De plus, elle réduit l’orientation politique, dont la loi de finances est une incarnation fondamentale. Et voilà qu’on veut remettre ça ! Or, 1 sur 3 ou 1 sur 2, les effets sont les mêmes : réduction des capacités de l’État à peu près partout et large dilution de la notion de choix politique, au profit du seul message « comptable ».
Et Bercy (et ses directions) dans tout cela ?
(Re)plantons le décor : notre ministère est le champion toutes catégories de la destruction d’emplois publics, notamment du côté de la DGFiP. L’affaire en est rendue à un tel point qu’il y a une sorte d’idée commune - exprimée mezzo voce - aux derniers ministres des comptes publics (notre autorité de tutelle), c’est qu’on ne peut aller beaucoup plus loin sur ce sinistre terrain-là…
Or, il semble que l’on va encore se prendre une giclée de suppressions d’emplois (550), vraisemblablement toutes concentrées encore et toujours à la pauvre DGFIP, les autres directions étant plus ou moins épargnées (à confirmer, notamment du côté de l’administration centrale, dont le rôle est pourtant essentiel et stratégique).
Mais on ne va pas s’arrêter en si bon chemin (sans même parler des premières pistes esquissées par le ministre de la fonction publique, avec une possible attaque contre le supplément familial de traitement par exemple). En effet, si on revient sur le non-remplacement de 1 sur 3, les dégâts peuvent être terribles, notamment dans un ministère âgé, ce qui est le cas du nôtre. En « standard », on peut comptabiliser 5 900 départs à la retraite annuels (chiffre « pré »-réforme des retraites), cela fait plus de 1 950 emplois potentiellement non remplacés. Ajoutons à cela les 550 évoqués plus haut et c’est un total de 2 500 ETPT appelés à disparaître, à la DGFiP et dans les autres directions. En clair, nous sommes revenus dans les niveaux d’étiage hauts du jeu de massacre !
Certes, le chemin de ce budget est encore long (et pas forcément pavé de bonnes intentions…). Il y aura la phase des échanges avant présentation, puis la séquence parlementaire. Mais en tout état de cause, il y a un risque « d’entrée dans le dur », avec l’impérieuse nécessité de se mobiliser toutes et tous. Car l’impact de telles mesures serait fort, tant pour nos missions que pour les agent.es à titre individuel.