Au regard du contexte dramatique que les collectifs de la DGFiP vivent actuellement avec un nombre d'actes suicidaires en augmentation particulièrement inquiétante, Solidaires Finances Publiques a donc exigé de l'administration que des réflexions sur le travail s'engagent afin de mettre en place des actions concrètes sur l'organisation du travail.
Liminaire
Madame la Présidente,
Que dire des propos du ministre Lombard qui « estime (que ces situations) ne sont pas liées à des raisons ni d’organisation, ni de charge de travail, ni de management ». Au delà du fait qu’il n’ait même pas un mot pour les collègues décédés et les collectifs de travail impactés, Solidaires Finances Publiques condamne avec la plus grande fermeté ses paroles qui écartent avant tout la question du travail. dire cela est une insulte globale à notre communauté.
12 suicides et 9 tentatives en 2025, en 6 mois, nous avons dépassé la situation déjà inacceptable de 2024. Nous sommes là aujourd’hui, devant l’ampleur des tragédies vécues par le collectif DGFiP, sans oublier la douleur des familles concernées, pour mettre en œuvre des actions afin de prévenir de tels actes.
Solidaires Finances Publiques réitère que ces passages à l’acte sont le résultat de facteurs multiples dont le travail et les conditions de travail peuvent faire partie. La Directrice générale nous a indiqué lors du CSAR du 7 juillet 2025 vouloir qu’une enquête de la FS locale soit systématiquement proposée. Nous ne pouvons que louer cette décision qui correspond à nos revendications. Mais est-ce une obligation ou au bout du bout les directions locales décideront-elles de faire ce qu’elles veulent en toute autonomie ? Pour Solidaires Finances Publiques, aucune autonomie possible sur ce sujet particulier. Nous souhaitons un pilotage national clair, précis et sans frein, en s’appuyant sur le guide méthodologique « l’enquête du CHSCT sur les conditions de travail à la suite d’un acte suicidaire ».
En outre, une enquête systématique oui, mais à condition de laisser les représentants des personnels définir le périmètre librement. Nous avons des exemples où certains acteurs de prévention ou des représentants de l’administration font en sorte que l’enquête se retrouve être une coquille vide. A l’avenir, il faudra que tout le monde aille dans le même sens pour analyser les causes de ces actes sans préjuger des résultats entraînant une éventuelle mise en cause de l’administration. C’est ainsi que nous comprendrons et corrigerons notre organisation du travail.
Nous parlons là une fois que le suicide ou la tentative a eu lieu, mais Solidaires Finances Publiques souhaite travailler avant tout à la prévention primaire. Or, il faut, sans aucun tabou, questionner le travail, son organisation, mettre en débat le management et trouver des pistes pour que ces drames humains ne se produisent pas. La formation aux 1ers secours en santé mentale ne saurait être la seule réponse. Solidaires Finances Publiques ne verrait là qu’une manière pour l’administration de se dédouaner en faisant peser la responsabilité sur les personnels.
Comment prétendre agir sur la prévention des actes suicidaires en refusant d’assumer les responsabilités structurelles de l’administration ? À cette question, la DGFiP oppose une stratégie limpide : l’individualisation à outrance. Si l’on souffre, c’est qu’on ne sait pas gérer son stress. Qu’on s’organise mal. Qu’on a, au fond, des fragilités personnelles. Le problème, c’est l’agent - jamais le travail, jamais son environnement, jamais le management, jamais les politiques publiques, jamais les suppressions d’emplois. L’administration, prise dans une loyauté verticale envers les gouvernements successifs, assume un double discours : elle prône la bienveillance tout en déployant les politiques d’austérité qui désorganisent les services et épuisent les agents et agentes.
Pendant la dernière Formation Spécialisée de Réseau, la Directrice des Ressources Humaines assurait que l’organisation du travail serait mise sur la table. Mais à la lecture de l’ordre du jour et des documents transmis pour la réunion d’aujourd’hui, ce fut une sacrée douche froide. La question du travail est soigneusement contournée. Voilà comment on fait porter à l’agent ou à l’agente des Finances publiques le poids de ce qu’on lui fait subir. Voilà comment on transforme un scandale social en affaire privée. Un drame collectif en événement statistique. Un suicide ne déclenche plus de remise en question, il alimente une ligne du prochain Rapport Social Unique. C’est pourquoi, très solennellement, au regard de la situation hautement inquiétante et dramatique pour notre collectif de travail, Solidaires Finances Publiques exige que la question du travail et des conditions de travail soit abordée à cette réunion.
Solidaires Finances Publiques demande à la Direction Générale :
- sur les chiffres, que nous ayons les données depuis plusieurs années, par exemple à partir de 2015, du nombre de tentatives de suicides, du nombre de suicides, âge, grade, genre, avoir l’indication que ces évènements ont eu lieu pendant le temps et sur le lieu du travail. Une reconnaissance d’imputabilité a-t-elle été déterminée ? Une enquête de la FS ou du CHSCT a-t-elle été réalisée ?
- quelles mesures allez-vous mettre en place pour agir sur les conditions de travail ?
Solidaires Finances Publiques exige la création d’un plan avec des ateliers thématiques tels que :
- centralisation au niveau de la FSR de l’ensemble des enquêtes suite à évènements graves dont les suicides ou TS qui ont été menées, ce qui nous permettrait une analyse des préconisations proposées et leurs mises en œuvre ?
- formation faisant le lien RPS et l’organisation du travail,
- mise à jour, diffusion du guide du CHSCT de 2013 relatif aux enquêtes suite à actes suicidaires et création d’une formation d’enquête de la FS,
- agir sur les transformations du travail (diffusion et mise en place du guide ANACT),
- les fiches de signalement et leur traitement
Merci.
Compte-rendu
À notre grande surprise, c’est la Directrice Générale elle-même qui a présidé ce groupe de travail (GT) en présence également du Directeur Général Adjoint. Une manière sans doute d’afficher sa volonté de s’emparer pleinement du sujet… ou peut-être une réaction à la médiatisation récente ? Difficile à dire.
Dès l’ouverture, les échanges sont revenus sur les propos inacceptables du ministre Lombard, qui a affirmé que les situations dramatiques que nous connaissons « ne sont pas liées à des raisons d’organisation, de charge de travail ou de management ». Une déclaration choquante, méprisante pour les agents et totalement déconnectée de la réalité du terrain. Si le ministre n’a rien de pertinent à dire, il vaudrait mieux qu’il s’abstienne.
La réunion s’est tenue dans un climat très lourd, marqué par une série de suicides parmi les agents et agentes. Face à cette situation, la Direction générale a annoncé plusieurs mesures :
- L’envoi d’une instruction aux directeurs et directrices (N°1), les enjoignant à proposer une enquête de la formation spécialisée locale (FSL) en cas de suicide ou tentative de suicide, dès lors que les représentants du personnel le demandent à la majorité ;
- la centralisation au niveau de la FSR des rapports d’enquêtes
- La généralisation de la formation aux premiers secours en santé mentale.
Solidaires Finances Publiques a salué la tenue de cette réunion que les organisations syndicales avaient demandé tout en exprimant une vive émotion et une profonde colère. Nous avons une nouvelle fois rappelé que les suicides et les tentatives de suicides avaient des causes multifactorielles mais qu’il fallait être certain par des enquêtes que le travail ne soit pas l’un de ces facteurs. Par ailleurs, le mal être à la DGFiP et la souffrance sont réelles et nous alertons la DG depuis de très nombreuses années. Cette situation est due à la dégradation des conditions d’exercice, aux suppressions massives de postes (32 000 depuis la création de la DGFiP en 2008), aux réorganisations et restructurations incessantes.
Nous insistons sur l’urgence d’une prise en charge réelle, concrète et à la hauteur de l’ampleur du phénomène. Il est impératif de ne pas minimiser la gravité de la situation.
Un psychiatre du CHU de Lille, spécialiste en suicidologie et traumatismes post-attentats, a été invité par l’administration. Son intervention, bien que riche d’enseignements généraux, manquait malheureusement d’ancrage dans les réalités du travail. Il a toutefois fourni quelques données utiles, notamment sur les avancées en matière de compréhension des comportements suicidaires. Il a également rappelé l’efficacité du numéro national de prévention du suicide, le 3114, qui a déjà permis une baisse de plus de 20 % des décès grâce à la prise de contact directe avec les personnes en crise.
Jusqu’à 17h, le contenu concret du GT est resté décevant. Ce n’est qu’en fin de séance que l’administration a présenté un diaporama contenant ses premières propositions. Ce document, que nous n’avions pas reçu en amont, ne nous a donc pas permis de préparer une analyse approfondie. Il a été convenu qu’il serait transmis aux organisations syndicales représentatives à la sortie de la réunion, afin que nous puissions formuler remarques et contre-propositions par écrit.
Ce document, s’articule autour de trois axes :
- Un état des lieux des dispositifs existants au sein des directions en matière de prévention primaire ;
- Une volonté affichée d’interroger systématiquement l’organisation du travail et les conditions d’exercice ;
- Le renforcement de la Qualité de Vie au Travail (QVT) et de la prévention des risques.
Cette réunion constituait une première étape. D’autres suivront, car ce sujet exige des travaux de fond sur le long terme. Une nouvelle rencontre est d’ores et déjà prévue début septembre.
Solidaires Finances Publiques réaffirme son engagement pour une transformation structurelle des conditions de travail, une prévention active et ambitieuse des risques psychosociaux et une politique de santé et sécurité au travail fondée sur la transparence, le respect et les besoins réels des agents et agentes.
Nous demandons des actions immédiates, concrètes et pérennes, à la hauteur des drames vécus par nos collègues et leurs proches.